Après Tchernobyl le monde a appris notre existence. Nous avons cessé d’être isolés, on nous a tendu la main. Nos enfants vont en séjours de santé à l’étranger, on nous envoie de l’aide humanitaire. Nous ne sommes plus seuls dans notre malheur mais nous sommes des gens de Tchernobyl et il faut vivre avec ça !
Aujourd’hui je vous écris pour partager les souvenirs chauds de cette période vive et heureuse du temps passé en Belgique. Pour moi, chaque vacances d’été était un grand évènement.
J’allais toujours en Belgique avec le sentiment que là-bas on était très content de me voir ! Chaque année j’affermissais ma santé, j’ouvrais quelque chose de nouveau sur ce pays, sa culture et je communiquais avec des gens intéressants. Je retournais chez moi toujours énergique et dans toute ma force.
Je suis partie en Belgique pour la première fois à l’âge de 8 ans. J’étais petite mais je comprenais que je passerais un mois loin de mes parents et de mon pays, dans une famille inconnue. Je me rappelle ce séjour comme si c’était hier. Ma famille belge aussi parce-que pour elle c’était un grand stress.
L’inquiétude a commencé déjà dans l’avion ; le vol a duré 2 heures le temps passait très vite et plus le temps passait, plus grande était l’inquiétude. Après nous avons pris le car qui devait nous conduire à l’endroit où les familles d’accueil nous attendaient.
Les enfants qui étaient déjà venus étaient collés aux fenêtres et saluaient leurs familles, moi, je scrutais les visages et essayais de deviner où était ma mienne.
Au moment de quitter le car c’était difficile j’étais angoissée, mais il fallait descendre. Deux personnes se sont avancées, un homme et une femme qui étaient heureux de me voir et qui disaient quelque chose dans une langue inconnue. Moi j’étais perdue je ne comprenais pas ce qu’ils attendaient de moi.
8 ans… Je ne me rappelle pas comment j’étais…. Belgique… où ça se trouve ??? Pour moi c’était un simple voyage, je ne comprenais pas le problème de santé, le problème de Tchernobyl. Ma mère me disait : ça serait bien pour toi.
Je ne savais pas ou j’allais, ce que m’attendait. Et voilà ! Une famille est venue me chercher avec une petite fille de mon âge. Tout était nouveau pour moi : des voitures, de belles maisons, des paysages… et des gens qui me souriaient. Et moi, je ne comprenais rien rien rien.
Des problèmes sanguins et thyroïdiens qu’on nous a dit que les enfants devaient changer de climat. Mais avec quel argent ? Un médecin nous a conseillé de nous adresser à la fondation « L’Avenir aux Enfants » en disant qu’ils ne refusaient jamais d’aider les gens. Ce que nous avons fait et c’est comme ça que Victoria est partie en Belgique
J’ai souvent tenté d’analyser ce qui m’a fait passer du statut de parent d’accueil vivant une expérience réussie et positive pour ma famille à un engagement dans l’asbl.
C’est comme toujours la conjonction d’une série de raisons : un intérêt pour « l’Est » très certainement nourri par une curiosité de longue date pour ce qui se passait de l’autre côté du mur…
Une interrogation sur les conséquences de cet accident qui engendrait une réflexion nouvelle sur la relation homme et environnement, un temps qui se libérait pour une action humanitaire parce que mes enfants grandissant me demandaient une présence moins soutenue. Tout cela et d’autres choses sans doutes !
La catastrophe de Tchernobyl a des conséquences d’une durée définitive à l’échelle humaine, et donc les réponses possibles s’inscrivent aussi dans le long terme.
Les gens que j’ai rencontré au sein de nos 2 asbl et ceux rencontrés au cours de tous mes voyages ont une telle qualité humaine, une telle vivacité dans leur engagement solidaire qu’il m’est tout simplement impossible d’envisager de rompre la relation épanouissante que j’ai avec eux.
À présent, j’ai bientôt 30 ans. Je suis marié avec Valla et notre petit garçon Vania, qui a 5 ans, est un enfant heureux et intelligent. Nous vivons dans un appartement collectif.
C’est tout petit chez nous, mais j’ai travaillé pour que ce soit beau et confortable. C’est mon métier, je suis charpentier. J’aime travailler avec mes mains. Ma femme travaille à l’usine de vodka. Avec nos deux salaires, nous pouvons vivre correctement. Lorsque je suis en congé, je cultive un potager avec Valla et je vais pêcher dans la rivière.
Mon grand rêve, construire une maison avec un jardin tout autour. J’ai beaucoup de beaux souvenirs de mes séjours en Belgique. Encore aujourd’hui, quand je rêve, c’est souvent de là-bas : les vacances à la mer, les plongeons dans la rivière avec le grand pont, les visites chez les parents de Bernadette, les mirabelles qu’on cueillait dans l’arbre avec Simon…